NOTE HISTORIQUE
Gildas, l’historien qui écrivit probablement De Excidio et Conquestu Brittaniae (De la destruction et de la conquête de la Bretagne) dans la trentaine d’années qui suivit l’époque arthurienne, note que la bataille du Badonici Montis (généralement traduit aujourd’hui par Mont Badon) fut un siège, mais il ne mentionne pas la présence d’Arthur à cette grande victoire qui, se lamente-t-il, « fut la dernière défaite des scélérats ». L’Historia Brittonum (Histoire des Bretons), qui fut écrite ou compilée par un certain Nennius au moins deux cents ans après l’époque arthurienne, est le premier document à proclamer qu’Arthur fut le commandant des armées britanniques au « Mons Badonis » où « en une journée, neuf cent soixante hommes furent tués par l’assaut des guerriers d’Arthur, et nul autre que lui ne les défit ». Au dixième siècle, quelques moines de l’ouest du Pays de Galles compilèrent les Annales Cambriae (Annales du Pays de Galles) où ils mentionnent « la bataille du Badon au cours de laquelle Arthur porta la croix de notre Seigneur Jésus-Christ sur ses épaules pendant trois jours et trois nuits, et les Bretons furent vainqueurs. » Bède le Vénérable, un Saxon dont L’Historia Ecclesiastica Gentis Anglorum (Histoire ecclésiastique des Anglais) parut au huitième siècle, signale la défaite, mais ne mentionne pas Arthur ; cela n’est guère surprenant car il semble avoir tiré de Gildas la plupart de ses connaissances. Ces quatre documents sont à peu près nos seules sources anciennes concernant cette bataille (encore les trois dernières sont-elles bien tardives). A-t-elle vraiment eu lieu ?
Les historiens, quoique peu disposés à admettre que l’Arthur légendaire ait existé, semblent reconnaître que vers l’an 500 de notre ère les Bretons ont mené et gagné une grande bataille contre les Saxons qui ne cessaient d’empiéter sur leurs terres, en un lieu appelé Mons Badonicus, ou Mons Badonis, ou Badonici Montis, ou Mynydd Baddon, ou Mont Badon, ou simplement Badon. En outre, ils suggèrent que ce fut une bataille importante car elle semble avoir effectivement arrêté la conquête saxonne du territoire britannique durant une génération. Elle semble aussi, comme Gildas le déplore, avoir été la « dernière défaite des scélérats », car durant les deux cents ans qui suivirent cette défaite, les Saxons s’emparèrent de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Angleterre et dépossédèrent ainsi les Bretons de leur pays natal. Durant toute cette sombre période de l’âge le plus sombre de l’histoire de la Grande-Bretagne, cette unique bataille ressort comme un événement important, mais malheureusement, nous ignorons où elle a eu lieu. Les hypothèses ne manquent pas. Liddington Castle, dans le Wiltshire, et Badbury Rings dans le Dorset, pourraient la revendiquer, mais Geoffrey de Monmouth, écrivant au XIIe siècle, place la bataille à Bath, probablement parce que Nennius appelle les sources chaudes de Bath balnea Badonis. Plus tard, d’autres historiens ont proposé Little Solsbury Hill, à l’ouest de Batheaston, dans la vallée de l’Avon, près de Bath, et j’ai adopté cette suggestion pour ma description du site. Fut-ce un siège ? Personne ne le sait vraiment, pas plus que nous ne savons qui fut l’assiégé. Tous s’accordent simplement sur le fait qu’une bataille eut vraisemblablement lieu au Mont Badon, où que celui-ci se trouvât, qu’il y a peut-être eu siège, ou peut-être pas, que cela se produisit probablement vers l’an 500, même si aucun historien ne miserait sa réputation sur cette affirmation, que les Saxons la perdirent et qu’il n’est pas exclu qu’Arthur ait été l’artisan de cette grande victoire.
Nennius, s’il fut vraiment l’auteur de L’Historia Brittonum, attribue douze batailles à Arthur, la plupart en des lieux non identifiables, et il ne mentionne pas Camlann, la bataille qui met traditionnellement fin à l’histoire de ce héros. Les Annales Cambriae sont notre source la plus ancienne de cette bataille, et ces annales furent compilées bien trop tard pour faire autorité. La bataille de Camlann est encore plus mystérieuse que celle du Mont Badon, et il est impossible de lui attribuer une localisation quelconque, et même d’affirmer qu’elle eut lieu. Geoffrey de Monmouth dit qu’elle s’est déroulée au bord de la Camel, en Cornouailles, alors qu’au XIe siècle, Thomas Malory la situe dans la plaine de Salisbury. D’autres auteurs la placent à Merioneth, au Pays de Galles, sur les bords de la Cam qui coule non loin de South Cadbury (« Caer Cadarn »), près du Mur d’Hadrien ou même en Irlande. J’ai choisi Dawlish Warren, dans le sud du Devon, pour la seule raison qu’autrefois, j’avais un bateau à voile dans l’estuaire de l’Exe et que, chaque fois que je sortais en mer, je doublais le Warren. Camlann peut signifier « la rivière tortueuse », et le chenal de l’estuaire de l’Exe est aussi tortueux qu’on peut l’être, mais ce choix est pur caprice de ma part.
Les Annales Cambriae disent seulement : « la bataille de Camlann, au cours de laquelle Arthur et Medraut (Mordred) périrent ». C’est peut-être ce qui arriva, mais la légende affirme qu’Arthur a survécu à ses blessures et fut emmené dans l’île magique d’Avalon où il dort toujours en compagnie de ses guerriers. Nous avons clairement dépassé le royaume où tout historien qui se respecte oserait s’aventurer, sauf pour suggérer que la foi dans la survivance d’Arthur reflète une profonde nostalgie populaire du héros disparu, et dans toute l’île de Grande-Bretagne, aucune légende n’a persisté aussi longtemps. « Un tombeau pour Marc, rapporte le Livre Noir de Carmarthen, un tombeau pour Gwythur, un tombeau pour Gwgawn à la rouge épée, mais, périsse cette pensée, un tombeau pour Arthur. » Arthur ne fut probablement pas roi, il se peut qu’il n’ait pas existé du tout, mais en dépit de tous les efforts des historiens pour nier cette existence, il est toujours, pour des millions de personnes dans le monde, ce qu’un copiste du XIVe siècle a dit de lui : Arturus Rex Quondam, Rexque Futurus, Arthur, notre Roi de Jadis et de Demain[1].
[1] L'auteur fait ici allusion à la pentalogie de J.-H. White dont Joëlle Losfeld a entamé la publication intégrale. L'Épée dans la pierre et La Sorcière de la forêt ont déjà paru, le Chevalier mal-fet sortira en 2001. (N.d.T.)